Introduire un système national de ciblage des transferts sociaux vers les plus démunis, et mettre en place un programme de transferts monétaires directs aux ménages démunis pour les compenser de l’augmentation des prix de l’énergie (ces transferts pourraient être liés à des programmes dans l’éducation, la formation ou la santé). Cette grande réforme budgétaire des transferts sociaux permettra, à terme de rendre le système de redistribution plus efficace, moins coûteux et plus juste. Elle permettra en outre de s’assurer que l’augmentation des prix de l’énergie n’affecte pas les ménages les moins bien lotis.
Ce chantier comporte deux volets : le premier, consiste en une réforme d’ordre budgétaire visant à améliorer le ciblage des transferts sociaux et de tous les programmes d’aide de l’Etat afin d’améliorer l’efficacité et l’équité du système national de redistribution des richesses.
Le second volet porte sur la mise en place d’un programme de transferts monétaires directs dont bénéficieront plusieurs tranches de la population, afin de compenser les moins bien lotis des augmentations des prix de l’énergie et de la baisse des subventions que prévoit le chantier 3.
1. Mise en place d’un système national de ciblage des aides et transferts sociaux:
- Sur un horizon de trois ans, un système national d’information et d’identification des ménages nécessiteux du soutien de l’Etat sera mis en place. Il sera adossé au projet national de numérisation de l’Etat civil ainsi qu’à tous les programmes de protection sociale (système Chifa, etc.). Selon les catégories de population (chômeurs, étudiants, ménages démunis dans les quartiers urbains défavorisés ou dans le rural, veuves, etc.), le système national identifiera et rassemblera toutes les aides auxquels peuvent prétendre les concernés. Il inclura aussi les programmes de logement social.
- La mise en place de ce fichier national qui sera mis à jour tous les deux ans, devra se faire de manière progressive en débutant par 5 à 7 Wilayas pilotes, de taille moyenne et de structure démographique variée (urbaines, rurales, Hauts-Plateaux, Grand Sud, etc.).
- L’identification des ménages se fera dans un premier temps par les cellules de proximité de l’Agence de Développement Social et sera suivie d’enquêtes sur les conditions de vie des ménages ciblés qui seront réalisées par des entités indépendantes des cellules. En parallèle, un système de ciblage et d’identification des populations les plus démunies sera mis en place sur la base de l’enquête ménages 2011 couplée aux données du recensement 2008.
- La fréquence des enquêtes ménages de l’ONS et du recensement devra être augmentée afin de pouvoir mettre à jour régulièrement ce fichier. Des méthodes statistiques éprouvées seront mises à contribution (proxy means testing) pour identifier les ménages nécessiteux ou les citoyens qui pourraient bénéficier des différents programmes d’aide de l’Etat. En parallèle, des moyens de recours seront mis en place, ainsi que des équipes d’audit et de vérification des conditions d’éligibilité des bénéficiaires.
- Ce système national de ciblage représentera la colonne vertébrale du système national de redistribution, de transferts sociaux et de lutte contre la précarité. Tous les programmes de soutien de l’Etat envers les démunis s’adosseront à ce fichier national pour mieux cibler les populations réellement éligibles.
- A terme, le montant global des transferts sociaux devrait ainsi être mieux maitrisé car il touchera les franges de la population qui en ont le plus besoin. Il sera aussi plus juste et équitable.
2. Introduction d’un programme de transferts monétaires aux ménages démunis:
- Sur le modèle d’expériences réussies de réduction de la pauvreté, d’amélioration du ciblage des aides et des indicateurs de développement humain (Brésil, Indonésie, Mexique, Turquie, Maroc, etc.), un programme de transferts monétaires directs sera mis en place. Il ciblera plusieurs tranches de la population, afin de compenser les moins bien lotis des augmentations des prix de l’énergie et de la baisse des subventions que prévoit le chantier 3.
- Ces aides monétaires directes pourraient être adossées à des programmes de développement humain, comme la santé, l’éducation ou la formation professionnelle, comme cela a été fait avec succès dans d’autres pays. Ces transferts monétaires dits « conditionnels » ont montré leur efficacité en termes de réduction de la pauvreté et d’amélioration des indicateurs sociaux dans plusieurs pays.
- Par exemple, pour certaines catégories de ménages où dans certaines régions du pays où les taux d’absentéisme ou d’abandon scolaire sont élevés, ces transferts monétaires pourraient prendre la forme de bourse d’aide à la scolarisation. Il s’agirait d’effectuer des transferts monétaires de l’ordre de 2000 DA par mois et par enfant scolarisé, pour les ménages bénéficiaires conditionnels à l’inscription et à l’assiduité à l’école des enfants (pour lutter contre l’abandon scolaire et l’absentéisme des plus démunis). Ce projet pourrait être lancé initialement dans les communes rurales les plus déshéritées de trois Wilayas pilotes, avant d’être étendu à d’autres régions du pays. Les impacts attendus de ce type de projet sont multiples : il s’agit tout d’abord d’améliorer les conditions de vie et de réduire la pauvreté des ménages les plus pauvres et les plus démunis en milieu rural via des transferts monétaires. Ensuite, en incitant les parents à s’assurer de l’assiduité de leurs enfants à l’école, il s’agit d’améliorer les indicateurs d’assiduité et de réduire l’abandon dans l’éducation, dans les communes ciblées, afin que les transferts sociaux ne consistent pas en un assistanat pur et simple mais en une amélioration durable des perspectives des bénéficiaires. Enfin, il s’agit d’amorcer un meilleur ciblage des bénéficiaires des transferts sociaux vers les ménages qui en ont le plus besoin.
- Un autre exemple serait de procurer aux jeunes déshérités dans le monde rural, d’un revenu minimum permettant de lutter contre la pauvreté et le dénuement, en contrepartie d’un effort d’insertion sur le marché du travail par la formation. Il s’agirait de fournir un revenu minimum de l’ordre de 5.000 dinars par mois et par bénéficiaire durant une période de 18 mois aux jeunes ruraux de moins de 25 ans appartenant aux ménages les plus démunis, qui sont sortis du système de formation. Ce programme pourrait être orienté vers le soutien à la formation des jeunes. Le versement de ce revenu pourrait ainsi être conditionné à l’inscription et à l’assiduité à des formations tournées vers le monde professionnel (langues, communication écrite et orale, alphabétisation si besoin, artisanat, agriculture, etc.), notamment les métiers créés par les 12.000 projets de développement ruraux du MADR. Afin d’éviter les effets d’aubaine et les dés incitations à l’emploi, cette aide ne serait disponible qu’une seule fois pour les bénéficiaires. Pour en assurer l’équité, les aides seraient limitées à un maximum de 3 bénéficiaires par famille et en maintenant une parité entre les filles et les garçons dans le nombre de bénéficiaires par wilaya. Ce dispositif pourra être le prélude à l’instauration d’un revenu minimum pour l’ensemble des jeunes de moins de 25 ans ayant des ressources limitées, conditionnel à la recherche active d’emplois suite à une formation et requalification, et soumis à des conditions strictes pour éviter l’assistanat (durée limitée, système d’information efficace pour éviter les abus et les inscriptions multiples, niveau de transferts modestes pour éviter la dés incitation à l’emploi, quotas pour les filles, etc.). Les objectifs recherchés par la mesure sont l’amélioration des conditions de vie de la famille via des revenus additionnels, l’incitation du jeune bénéficiaire à faire de réels efforts de formation et de qualification pour améliorer son insertion professionnelle et le ciblage des transferts sociaux vers les plus nécessiteux par des transferts monétaires conditionnels qui ont montré leur efficacité dans de nombreux pays.
- Enfin, un programme similaire de transferts monétaires pour soutenir les familles nécessiteuses dans leur accès aux soins de santé pourrait être mis en place, à l’instar de programmes similaires en Amérique Latine.
- Le montant des transferts ainsi que les tranches de population qui pourraient en bénéficier devront être fixés suite à une analyse des besoins, des implications budgétaires et des situations de précarité que subissent une partie de la population. L’idée est qu’une partie importante des ménages (autour de 20%) puissent bénéficier de ces transferts et être compensés de la baisse des subventions énergétiques que prévoir le chantier 3.