Chantier N° 10 : Politique d’ouverture cohérente

Engager une nouvelle politique commerciale volontariste, maitrisée, engageant la nation de manière crédible et irréversible dans un processus d’ouverture à l’économie mondiale et alignant, au 1er janvier 2020, tous les échéanciers d’adhésion aux traités commerciaux internationaux (OMC, ZALE, UMA), en cohérence avec le déroulement de la Nouvelle Politique Industrielle. Il faudra en particulier aligner les échéanciers d’adhésion à l’OMC et de tous les accords commerciaux (UE, ZALE, UMA) sur cette date, afin que l’ouverture à la concurrence internationale soit progressive, irréversible et coordonnée. Cette politique d’ouverture doit aller de pair avec la mise en œuvre de la Nouvelle Politique Industrielle.

 

 

L’adhésion à l’OMC, les accords de libre-échange et la politique industrielle visant diversification de l’économie

L’Organisation Mondiale du Commerce compte aujourd’hui 157 membres et couvre la quasi-totalité du commerce mondial. Avec l’accession récente de la Russie en aout 2012, l’Algérie reste un des rares pays avec un PIB supérieur à 100 milliards de dollars à ne pas en être membre, avec l’Iran, l’Irak et le Kazakhstan. La procédure d’accession de l’Algérie est ainsi devenue la plus longue qu’ait connue le système commercial multilatéral. Y a-t-il pour autant urgence ?

Les avantages qu’aurait l’Algérie à accéder à l’OMC sont de différentes natures :

–          Certains concernent la compétitivité commerciale avec l’amélioration des conditions de l’insertion internationale à travers une plus grande rationalisation productive et une meilleure exploitation des avantages comparatifs réels mais surtout potentiels qu’un pays comme l’Algérie est amené à construire ;

–          d’autres sont plus liés à la diplomatie économique avec une intégration au jeu coopératif multilatéral via la participation à l’élaboration des règles du commerce international, une transparence et une meilleure lisibilité des institutions de la politique commerciale ;

–          La gestion des conflits quant à l’accès aux marchés d’exportation grâce au recours  et à l’usage de la procédure de règlement des différends pour les conflits commerciaux internationaux car cette procédure est réservée exclusivement aux membres du système commercial multilatéral ;

–          Et enfin non des moindres, l’introduction d’une cohérence institutionnelle au niveau national, qui réduit l’influence des intérêts particuliers dans la définition de la politique commerciale, rend celle-ci plus lisible car régulée au travers d’un système de règles.

Les inconvénients de l’adhésion à l’OMC sont liés au fait de se soumettre à un corpus de règles qui s’imposent au pays et qui impliquent entre autres :

–          Une obligation de se conformer aux règles et procédures du « Club » ;

–          Une restriction du « champs des possibles » en matière de politique économique et de stratégie de développement, notamment en termes d’outils d’appui sectoriels dans le cadre de la stratégie industrielle ;

–          Le corolaire en est l’intensification de la concurrence pour les producteurs locaux. Ceci dit, en restant en dehors de l’OMC, un pays ne bénéficie pas de la protection de cette institution qui interdit de nombreuses pratiques commerciales déloyales. Il s’agit dès lors de faire un choix entre concurrence prévisible accrue mais encadrée et risque de pratiques déloyales non prévisibles.

–          L’intensification de la concurrence internationale pourrait avoir des effets irréversibles en dynamique sur le tissu industriel national, en raison de l’existence d’irréversibilités technologiques et productives, réduisant des possibilités futures de diversification productive de l’Algérie, alors que l’objectif affiché est celui d’une diversification hors hydrocarbures.

En fait, cette question d’adhésion à l’OMC ne peut être pensée indépendamment des autres aspects de la politique commerciale (accords de libre-échange, notamment l’accord d’association avec l’UE, politique d’exportation) et surtout de la politique économique de diversification de manière générale.

Etant donné le faible développement industriel de l’Algérie et le contenu marginal de ses exportations, la politique industrielle recommandée, au côté des autres chantiers de diversification, requiert d’utiliser des mécanismes d’appui aux secteurs prioritaires que le cadre de l’OMC ne permet pas. Un démantèlement tarifaire trop brutal couperait également court à la possibilité du secteur industriel algérien de se diversifier. D’un autre côté l’échéance stricte, irréversible et crédible d’une adhésion à l’OMC qui coïnciderait, au 1er janvier 2020, avec les échéanciers des accords de libre-échange (ZALE, UE, etc.), permettrait de discipliner le secteur industriel ainsi que les pouvoirs publics pour préparer cette échéance inéluctable. Le tout est de ne pas surprotéger trop longtemps nos industries et de pouvoir s’engager sur un échéancier court et strict d’ouverture. Combiné à une politique active d’attraction des IDE et à des appuis aux secteurs industriels qui soient essentiellement axés sur leur performance à l’export (pour s’assurer qu’ils sont en concurrence internationale ouverte), cet engagement de démantèlement et d’adhésion à l’OMC permettrait seul d’engager la diversification sans souffrir d’excès de protection et de rentes.

 

Redéfinir la politique commerciale et s’engager de manière crédible et irréversible sur un calendrier d’ouverture au 1er janvier 2020.

Nous recommandons ainsi de:

  • d’interrompre les négociations en cours pour l’adhésion à l’OMC ;
  • d’entreprendre, de manière unilatérale, les réformes réglementaires et institutionnelles nécessaires pour accéder à l’Organisation ;
  • de planifier, de manière crédible et irréversible, un échéancier de démantèlement  tarifaire qui débutera le 1er janvier 2015, et qui sera étalé jusqu’au 1er janvier 2020, qui corresponde tant aux accords de libre-échange (UE, ZALE, etc.) qu’à celui de l’entrée à l’OMC. La baisse des subventions énergétiques pour l’industrie nationale (conformément au Chantier 3) se fera également en parallèle, ce qui neutralisera le principal argument de pays membres s’opposant à l’entrée de l’Algérie à l’OMC.
  • Redéfinir le calendrier d’adhésion à l’OMC en fonction des impératifs de la politique industrielle et du besoin de soutenir les exportations des industries naissantes. Cette adhésion se fera dans les 7 ans suivant le lancement de la nouvelle stratégie économique.
  • Renégocier, lors des clauses de rendez-vous, les traités d’association à l’UE et accords de libre-échange arabe, à la lumière des impératifs et des objectifs de la politique industrielle, en y inscrivant notamment des clauses de sauvegarde et des mécanismes de protection temporaire.
  • Faire de l’intégration Maghrébine un puissant levier de la diversification dans le cadre de la stratégie industrielle, en développant des filières intégrées maghrébines.
  • Reprendre des négociations bilatérales stratégiques, notamment avec les grandes puissances économiques émergentes du Sud (Corée, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Nigeria, Malaisie, Turquie) en vue de la signature d’accords de libre-échange bilatéraux qui entreraient également en vigueur le 1er janvier 2020.

Cette politique d’ouverture graduelle, mais irréversible et crédible, viendra accompagner le nouveau plan de soutien aux exportations ainsi que d’une stratégie nationale de la facilitation du commerce extérieur et de la logistique (chantier 9).